Nous apprenons en permanence. Chaque information que notre cerveau reçoit, il la traite et l’assimile. Plus ou moins consciemment. En fonction de la nature de celles-ci et de multiples autres facteurs, notre système nerveux créera de nouvelles connexions : c’est la plasticité cérébrale. Grâce à cela nous pouvons intégrer de nouveaux enseignements tout au long de notre vie. Évidence me direz-vous. Pourtant, il s’avère qu’apprendre volontairement de nouvelles choses au fil de notre vie ne se révèle pas si simple que cela et que cette plasticité ne soit plus aussi … plastique. Pire ! Il semble que le processus volontaire d’apprentissage soit bloqué, voir n’est pas du tout connu des individus. Pourquoi ?
La faute à l’Histoire et l’époque où nous délivrions du savoir pour former des ouvriers/employés opérationnels. Ironiquement, l’école pouvait (peux) s’apparenter à un moteur de recherche : vous posez une question, on vous répond, sans savoir pourquoi ni comment. Je n’irai pas jusqu’à dire pour éviter que ceux-ci ne raisonnent, mais l’idée a le mérite d’exister. En outre, les évolutions technologiques se propageaient bien moins rapidement et les ajustements nécessaires à la formation étaient donc minimes et plus faciles à déployer – la radio a mis 38 ans pour atteindre 50 millions de foyers, Facebook moins de 4 ans. L’évolution démographique et la nature de la technologie ont une incidence, certes. Mais le fait est que nous avons beaucoup moins de temps pour assimiler un changement majeur, comme le digital, que dans le passé. Et c’est bien là l’un des nœuds du problème.
Nous n’avons pas assez appris à raisonner et à s’adapter face au changement, les deux forces dont nous devons faire preuve et ce pour deux raisons. Tout d’abord, une à moyen-long terme qu’est le développement de l’IA et la bataille que nous aurons face à elle avec notre intelligence biologique (IB). Beaucoup estiment aujourd’hui que c’est une réalité que seules les générations futures connaîtront. Je ne rentrerais pas dans ce débat. D’autant plus que pour réagir, l’esprit humain a besoin de ressentir un danger imminent. Pour vous le présenter, je m’appuierai donc sur un exemple auquel j’ai assisté récemment.
Un chef d’entreprise vient de revendre sa société spécialisée dans le bâtiment. Il n’a quasiment connue que cela pendant 30 ans. Âgé d’une cinquantaine d’années, il souhaite se lancer dans un nouveau projet, SON projet. C’est un camping qui retiendra son attention. Résultat après deux ans de reconversion : c’est un échec. De mon point de vue, c’est un ensemble particulièrement riche d’enseignements. Voilà quels ont été les erreurs :
- Une lacune technologique forte. À l’heure où l’attrait de ce secteur passe essentiellement sur le web, difficile à combler le retard. Sans parler du temps perdu dans les procédures administratives et la gestion.
- Une difficulté à opérer le changement, à la fois du secteur mais même la transition de propriétaire. Problématique renforcée également par le choc générationnel. Il est compliqué d’impulser de la motivation (et donc la performance) lorsque nous ne parlons pas le même langage, n’avons pas les mêmes revendications, objectifs et attentes.
- En amont de cela, se pose un manque de qualités humaines dont l’empathie. Le business à l’ancienne en est bien souvent dénué au profit de la rationalité. Mais alors comment se mettre à la place des collaborateurs pour les comprendre et ainsi faire preuve d’un véritable leadership ?
- En dépit d’une longue expérience et des qualités de gestionnaire, de nombreux secteurs ont été transformés dans les aspects sociologiques et technologiques. Il faut donc faire preuve de beaucoup d’humilité et de recul pour accepter que ses acquis ne sont finalement que peu utiles.
- Enfin bouclons le cercle vicieux avec l’aspect anxiogène de l’échec tel que nous le concevons majoritairement dans notre culture. Il est vrai qu’il ne faut pas cultiver l’échec dans le sens qu’un entrepreneur doit maintenir la vie de son entreprise. Néanmoins, quand celui-ci se présente, il vaut mieux en tirer rapidement les enseignements pour s’adapter plutôt que d’en voir une attaque forte envers son égo.
Certes cette personne a appris des choses tout au long de sa vie, et même pendant cette nouvelle expérience. Néanmoins, lorsqu’il a fallu apprendre les compétences et connaissances essentielles à sa survie entrepreneuriale (cf. ci-dessus) cela s’est avéré très difficile. Voilà tout l’enjeu, apprendre ce dont nous avons besoins pour subsister dans son environnement. Aujourd’hui pour de nombreuses entreprises, cet apprentissage est d’ordre technologique.
D’autre part, au-delà de ces éléments, pour moi cela a confirmé beaucoup de choses et permis de mettre en pratique une nécessité que je connaissais déjà : apprendre en permanence et donc de savoir apprendre, surtout pour faire face au changement.
Si je maîtrise cette qualité depuis toujours, c’est parce qu’étant enfant j’étais subjugué par la série Le Caméléon. Celle-ci raconte l’histoire d’un homme à la faculté extraordinaire de pouvoir prendre n’importe quelle identité/métier. Toutefois, pour se faire il doit avant tout s’immerger dans la peau de celui qu’il veut être. Pour devenir pompier, il apprend donc le comportement du feu et à le manipuler. En résumé, il fait preuve d’une forte empathie couplée à une curiosité sans limite.
Ainsi, nous devons donc maintenir notre apprentissage perpétuel et donc savoir apprendre. Comment ? En posant des « Pourquois » ? Cultivons notre curiosité à la manière d’un enfant. D’autre part, l’empathie, cette faculté à se mettre à la place des autres est essentielle. À l’heure où les concepts d’expérience (utilisateur, employé, étudiant, et pourquoi pas patient) se multiplient, il apparait comme évident de faire preuve de cette magnifique qualité. Nous devons aussi repenser nos modèles pédagogiques. Même si nombres d’intervenants et formateurs ont des idées pour améliorer cela. Tant que nous serons bridés par des normes dictées par la bureaucratie et qui se trouvent à des années lumières de la réalité, cela sera difficile de faire des miracles. Je m’adresse donc à tous les individus, notre survie en tant qu’espèce a toujours été et sera toujours l’adaptation. Mais pour changer, il faut apprendre à nouveau.